Comment j'ai mangé mon sapin de Noël de Julia Georgallis
Où on parle pâté de foie, épines de sapin et centre antipoison
Le livre en un coup d'oeil
Ma note : ⭐⭐ Un livre au concept sympathique, mais qui n'est pas complètement à la hauteur de ses promesses
❤️ Les trucs que j'ai aimés : le format mignon et le joli design ; le côté hybride entre livres de recettes et récit personnel
💔 Ce que j'ai moins aimé : le très petit nombre de recettes ; des recettes assez banales pour certaines ; un manque de précision dans les instructions
👩🍳 Niveau de difficulté : facile... Sauf si évidemment on fait vraiment le principe du livre, aka faire joujou avec des épines de sapin pour en faire de la cendre ou de la fumaison
🍮 Les recettes réalisées : 2 au total, une foirée niveau texture et une plutôt mal.
Une longue introduction, ou encore... Pourquoi je ne suis pas faite pour vivre into the wild
Comme le titre de la newsletter l'indique, je n’ai pas mangé de sapin. Mais j’en ai bu un peu, et puis… J’ai appelé le centre antipoison de Paris 😱
Mais ne nous emballons pas et revenons au début de l’histoire si vous le voulez bien 😄
Mi-novembre, j’étais en train de faire du repérage pour cette newsletter de Noël. A l’origine, je penchais plutôt pour des thématiques classiques, style cuisines nordiques ou cuisine de montagne. Et puis je suis tombée sur ce livre de Julia Georgallis à Gibert. C’était une évidence, c’était LUI, le livre de recettes que j'allais chroniquer pour Noël.
Non seulement la thématique était parfaitement en accord avec la saison, mais en plus il me permettrait de faire des conneries en cuisine comme brûler des branches de sapin dans une cocotte.
Surtout, Comment j’ai mangé mon sapin de Noël est le parfait livre-cadeau un peu rigolo à offrir à Noël.
Le genre de bouquin au titre accrocheur et au joli design que vous allez trouver juste avant les caisses de Nature & Découvertes - ce que j'ai pu confirmer pendant mon shopping de Noël d'ailleurs 😄 Le genre de petit livre rigolo qui va recueillir masse d’articles dans la presse pour son concept original, MAIS on se demande si ne serait-ce qu’une personne au monde a réellement fait les recettes.
C'est là que j'interviens, évidemment.
Sauf que.
Ayant hérité voilà de longues années du sapin artificiel de mes parents, je n’allais pas acheter un vrai sapin pour mes bêtises.
J’ai donc eu recours à la solution de facilité : appeler à la rescousse papa-maman qui habitent à la campagne. Bingo, un de leurs amis avait du sapin et de l’épicéa dans l’un de ses champs. Il a eu la gentillesse de m’en couper quelques branches que j’ai récupérées quelques jours après.
Ma critique de Comment j'ai mangé mon sapin de Noël de Julia Georgallis
A partir de ces branches, je voulais faire deux recettes : une crème glacée au gingembre et au sapin de Noël, ainsi qu’un poisson fumé au sapin de Noël.
L'infusion de sapin de Noël et le centre anti-poison
Mais avant de me lancer dans ces deux préparation, je voulais voir quel goût le sapin avait. Donc je choisis de me préparer d'abord la recette d’infusion de sapin de Noël - p 117. La recette est toute simple. On fait infuser des aiguilles dans de l’eau bouillante 6 minutes et on accompagne cette tisane d’un trait de citron et de miel.
Je suis donc la recette. Je goûte. Je trouve que ça n’a aucun goût alors je fais infuser un peu plus.
Je rebois, ça a une odeur de sapin assez forte quand on approche son nez du breuvage, mais en bouche, ça reste très, très léger, avec juste un petit goût citronné en cherchant bien. J’avale quelques gorgées, puis je me remets à enlever des aiguilles pour la recette de crème glacée.
Quelques minutes plus tard, je commence à avoir une légère nausée et j’ai inexplicablement chaud, alors que j’ai l’habitude de boire des litres de thé brûlant chaque jour.
Je me pose sur mon canapé et me remémore cet article du Parisien sur lequel j’étais tombée pendant mes recherches, qui racontait le décès d'un homme après avoir bouffé les racines d’une plante déterrée dans son propre jardin.
Parce que je ne vous ai pas encore dit la petite subtilité dans l’affaire : le sapin peut être confondu avec l’if qui, lui, peut être mortel à toutes petites doses. Gloups.
Je m’étais pourtant assurée de vérifier les deux critères qui permettent de distinguer le sapin de l’if. Le sapin a deux lignes blanches en-dessous de ses aiguilles. Et surtout, une odeur de mandarine se dégage de ses aiguilles lorsqu’on les frotte entre les mains, au contraire de l’if qui est inodore.
Mais même après moult vérifications et confrontations des données que j’avais récupérées sur Internet, j’avais toujours cette petite pointe de peur absurde de me tromper.
Alors que je sentais la nausée monter, l’irrationnelle machine à angoisse s’est emballée : je me suis imaginée que j’allais mourir d’une mort stupide et ce serait bientôt moi qui ferait l'objet d'un article de la honte dans Le Parisien.
Vous imaginez donc la suite. C’est avec ce genre de paranoïa montante que j’ai fini par appeler le centre antipoison pour avouer à la dame au téléphone que non, je n’avais pas essayé l’infusion de sapin pour des “raisons thérapeutiques particulières”, mais uniquement parce que je suivais un livre de recettes et que je voulais voir le goût que ça avait. Je l’ai sentie rouler des yeux à travers le combiné et elle avait bien raison ! 😅
Au final, si je suis encore là pour vous parler aujourd'hui, c'est qu'il y a eu plus de peur que de mal. La nausée et la sensation de chaleur se sont estompées une demi-heure après. Il est probable que tout était dans ma tête, mais ça m’a quand même découragée d’aller plus loin.
Je ne saurai jamais quel goût a la glace ou le poisson au sapin… A moins de me rendre un jour dans un restaurant héritier du Noma.
Ce que j'ai appris sans avoir vraiment mangé le sapin
Donc je n'ai pas cuisiné mon sapin.
Est-ce pour autant un échec ?
Pas complètement.
Déjà, en faisant mes recherches, j’ai appris quelques petites choses sur les sapins et les ifs, sur le foraging, et comment les arbres communiquent entre eux à travers les odeurs qu’ils dégagent.
Ma réaction irrationnelle a aussi trouvé un écho dans cet intéressant témoignage d’un passionné de foraging, intitulé “The day I ate a deadly plant”. L’auteur y nuance l’opposition classique “poison mortel/comestible”, et amène à réfléchir sur notre relation à l’alimentation. On peut ainsi être mort de frousse à l’idée de manger de la “nourriture sauvage”, parce qu’on a perdu cette connaissance particulière et le lien avec la nature. Mais pourtant, on se pose très peu de questions sur des aliments industriels du quotidien qui sont autrement plus dangereux.
Et finalement, j’ai quand même fait 2 recettes du livre, donc tout n'était pas perdu !
Recettes testées
Pâté de foie de volaille au sloe gin - p 55
La première recette testée est un pâté de foie de volaille au sloe gin.
Pas de trace de sapin : en effet, une bonne moitié des recettes du livre se basent sur des ingrédients venant d’autres arbres que le sapin, tels que les baies de genévrier, les pignons de pin, le gin ou même les pousses de bambou ! Alors certes, ce sont des ingrédients plus faciles à trouver que du sapin, mais j'ai trouvé ça assez décevant de la part d'un livre dont la promesse est de nous faire manger du conifère - j'en parle davantage plus bas dans ma critique du livre.
Bref, revenons à notre pâté de foie de volaille. J'étais intriguée par le recours aux baies de genévrier et au sloe gin, une liqueur britannique à base de prunelles macérées dans du gin. C'était la première fois que j'en buvais et j'ai trouvé la saveur agréable, assez florale. C'était donc un assaisonnement intéressant pour un pâté.
D’ailleurs, en faisant quelques recherches, je me suis rendue compte que ce pâté de foie au sloe gin était en fait une recette plutôt courante. J’en ai trouvé plusieurs versions sur Internet, certaines vendues en supermarché, notamment avec du gibier.
Résultat des courses ? Le goût du pâté était intéressant. Au début, ça m’a un peu surprise, mais plus j’en mangeais, plus je trouvais ça pas mal, et la combinaison baies de genévrier / sloe gin apportait au pâté une singulière profondeur. Même mon compagnon qui est allergique aux abats a aimé le goût.
Le pâté de foie se fait traditionnellement en charcuterie avec du gras de mouille et est cuit après mélange des ingrédients. Sinon, j'ai vu des recettes maison qui ont recours à du beurre. Mais cette recette fait appel à de la crème fraîche... Et le résultat était vraiment décevant niveau texture, comme le pâté était beaucoup trop liquide, même après une prise au froid de plusieurs jours. En même temps, vu la quantité de crème fraîche qu’il y avait pour la quantité de foie... 150 ml de crème fraîche pour 400 g de foie !
Donc malgré le goût plutôt sympa, la recette a été un échec comme la texture ne convenait pas.
Crème glacée au gingembre - p 86
Pour cette recette de crème glacée, j’ai substitué les aiguilles de pin qui doivent normalement imprégner le lait par du whisky. Ce n’est pas moins que l’autrice elle-même du livre qui m’a inspiré ce remplacement, comme j’ai retrouvé sur Munchies une ancienne version de cette même recette où elle ajoute quelques gouttes de whisky.
Au début, j’étais assez sceptique sur le recours à la crème fraîche - encore ! comme elle donnait un goût assez âcre à la préparation. Mais après la prise au congélateur, c’était assez fameux, voire même addictif. La texture et le goût étaient plutôt cools pour une première, de surcroit sans sorbetière. Et le whisky et les morceaux de gingembres confits vont très bien ensemble. A noter toutefois que j’ai largement mis plus que les quelques gouttes de whisky indiquées dans la recette sur Munchies, mais plutôt 3-4 cuillères à soupe - et même là, la saveur était assez subtile.
Bilan de ces deux recettes ? Des découvertes positives, comme cette glace maison qui était une jolie réussite pour un premier essai, ou la découverte du sloe gin. Mais aussi des aspects négatifs comme la texture du pâté ou l’imprécision dans les instructions. Je vous donne deux exemples. La recette de glace indique “5 morceaux de gingembre confit” : c'est combien de grammes, ça ? Sinon, elle parle d'une crème anglaise cuite “lorsque des bulles commencent à apparaître sur les bords de la casserole”. Ne serait-ce pas mieux de parler de température ou de napper la spatule ?
Finalement, le test de ces deux recettes aura été à l'image de mon impression globale du livre, mi-figue, mi-raisin.
Retour sur le livre lui-même
Au rayon des éléments qui m’ont plu : le format hybride du livre, qui mêle recettes, récit personnel non dénué d’humour, message écologique, photographies élégantes et essais. Le livre comprend notamment une intéressante infographie sur l’impact environnemental du marché du sapin de Noël.
C’est également un ouvrage très agréable à feuilleter avec son petit format mignon et ses tons en dégradés de vert - même si je regrette le recours au gris clair sur fond vert pour certains titres, qui n’a pas du faire plaisir aux personnes ayant des problèmes de vue.
Enfin, les recettes, parfois surprenantes, tirent leurs inspirations de régions diverses : se côtoient une recette de jello shots au sapin de Noël, un effiloché d’agneau plus méditerranéen ou une pâte de fruits aux pommes et au sapin de Noël, inspiré du membrillo espagnol.
Mais le principal bémol reste le faible nombre de recettes qui m’a laissée sur ma faim : le résumé au dos du livre indique 40 recettes, mais nombre d’entre elles sont des recettes de breuvages, de pickles ou d’assaisonnements type vinaigre ou sirop. A peine une vingtaine de recettes concernent vraiment des plats ou des desserts, ce qui rend le rapport recettes/prix très léger par rapport aux 19.50€ du livre.
D’autres personnes pourraient également trouver le titre du livre déceptif, comme un grand nombre de recettes ne sont pas à base de conifères. Personnellement, je pense que ce n’est pas une mauvaise idée, comme ça permet d’avoir quelques recettes aux ingrédients plus accessibles et réalisables à n’importe quel moment de l’année. Mais un plus grand nombre de recettes à base de sapin aurait été le bienvenu, quitte à inviter d’autres chef(fe)s à proposer des plats.
Enfin, qui dit petit format mignon et mise en page épurée, dit en contrepartie instructions succinctes qui manquent de conseils et d’éléments de réassurance - surtout quand on s’aventure dans la fumaison ou la cendre.
En conclusion
Si vous me lisez depuis le début, vous aurez remarqué que cette critique n'est pas comme les précédentes. Pas tant pour la thématique décalée, mais plutôt parce que c’est la première fois que je livre une chronique en demi-teinte d'un livre.
Cela signifie-t-il que je déconseille catégoriquement Comment j'ai mangé mon sapin de Noël ?
Pas du tout.
Vous pouvez offrir ce livre à un(e) fan de l’esprit de Noël, une personne férue de foraging ou à quelqu’un qui aime exposer des livres rigolos dans sa bibliothèque. Et maintenant que le livre coûte moins de 10 €, ça en fait un petit cadeau sympa pour le côté Noël.
Surtout, je pense que ce livre se range plutôt dans cette catégorie des livres de cuisine qu’on aime feuilleter en rêvant des saveurs qu’ils décrivent, mais qu’on ne cuisinera tout simplement pas - ou alors une ou deux recettes pour la forme.
Inutile, me diriez-vous ? Pas forcément, parce que c’est sans doute ça qui est beau avec les livres de cuisine : la multiplicité des usages qu’on peut en faire. Du Ginette Mathiot tout écorné à force de l'avoir utilisé au livre de grand(e) chef(fe) qu’on ne pourra qu’admirer et exposer sur sa table basse, en passant donc par le joli petit livre au concept amusant, il y a autant d’usages qu’il y a d’envies et de profils de lecteurs. A nous de choisir lesquels !
Infos
Comment j'ai mangé mon sapin de Noël, Recettes délicieuses et originales pour cuisiner avec des arbres de Julia Georgallis
Editions Le Rouergue | 144 pages | Octobre 2021 | ISBN 9782812622168
🛒 Librairies Indépendantes
Le mot de la fin qui sera très court parce que j’atteins la longueur limite autorisée par Substack ? Simplement vous souhaiter de très belles fêtes de fin d’année avec j’espère de délicieux plats et du bon glouglou. Prenez soin de vous, amusez-vous bien en cuisine et je vous retrouve avec joie et impatience l’année prochaine !
Des bises,
Marjorie
Ps. Et n’hésitez pas à me suivre sur Instagram ;-)
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