[3+1 livres] Galettes bretonnes, foie de morue et une sympathique grenouille
Et en bonus, plein d'articles hyper intéressants et du teasing pour la prochaine newsletter
Hello chers lecteurs et lectrices !
Comme je le disais dans la dernière newsletter, j’avais plutôt prévu de vous envoyer cette semaine un pas-à-pas d’une recette de Karen Torosyan, et finalement… J’ai du me résoudre à un peu de réalisme.
Quand je rentre de stage charcuterie le bras droit explosé après avoir coupé des kilos et des kilos de carottes en biseau1, la dernière chose à laquelle j’ai envie de m’attaquer, c’est une épaule de cochon avec une cuisson de 24 heures. J’adore mon stage, j’adore me lancer des défis, mais quand je passe la porte de ma maison, tout ce que j’ai envie de faire, c’est de m’affaler dans mon canapé 😅
Bon, en vrai, je cuisine quand même un peu à la maison, mais ça, ce sera pour une newsletter en avril… Suspense !
Mais c’est pas grave, je démarrerai plus tard cette série sur le livre de Torosyan. Peut-être que ça débordera un peu sur 2023, on verra bien.
En attendant, on commence aujourd’hui une nouvelle série, intitulée [3+1 livres]. Une rubrique que j’ai voulu créer pour vous parler de livres variés sans que j’aie besoin d’y consacrer une newsletter entière. C’est un peu comme la colonne de droite dans la page lecture des magazines : une recommendation de quelques livres sympas, sauf que ce ne sera pas en 15 mots, mais en 15 paragraphes 😄
Bonne lecture !
Un livre pratique qui vaut le coup :
Atelier de la crêpe Saint-Malo : Devenez un pro des crêpes & galettes de Bertrand Larcher - Hachette cuisine
Conversation avec une amie bretonne :
Moi, la renégate de Seine-et-Marne : “Une école internationale de la crêpe, et puis quoi encore franchement ?!”
L’amie bretonne, dont on sentirait presque le Gwen-ha-Du claquer fièrement derrière son dos : “Et pourquoi pas, il y a bien des écoles de pizzas, non ?”
Moi, l’hérétique signant son arrêt de mort : “Bah excuse-moi, les pizzas quand même…”
L’amie bretonne, m’interrompant tout en dardant sur moi un regard que je ne lui ai jamais connu : “Attention à ce que tu vas dire après !”
Ce que j’ai dit après grosso modo, c’est que maîtriser la pâte à pizza, c’est autrement plus difficile, et que je trouvais que six semaines de formation pour apprendre à faire des galettes et des crêpes, c’était un peu abusé. Pourquoi pas une école du croque-monsieur tant qu’on y est ?!
Voilà, vous pouvez venir me frapper avec une coiffe bigoudène, je l’aurais bien cherché 🤣
***
Plaisir de charrier les Bretons à part, j’étais tombée sur ce livre à la bibliothèque, et l’ai pris en partie parce qu’un livre de cuisine de plus dans mon sac qui en comptait déjà 12, quelle différence ? Et Belle-Maman m’avait réclamé des crêpes jambon-fromage, donc autant m’appuyer sur une recette du cru.
Je ne m’attendais à rien, et au final, j’ai trouvé le livre plus intéressant que ce que je pouvais imaginer pour un livre mono-produit. Bref, dans la catégorie “livre pratique qui ne se fout pas de la gueule des lecteurs”, Atelier de la crêpe Saint-Malo se défend plutôt bien.
A part le chapitre consacré aux recettes classiques, les garnitures, classées par saison, s’avèrent assez sympas et donnent envie d’être testées. On n’est pas dans de la garniture de fou-fou, mais les recettes ne sont pas archi-simplistes non plus. Citons par exemple : la galette asperges vertes, petits pois et sauce au chorizo ; la galette chèvre frais et confiture de raisins ; ou une autre avec un écrasé de pommes de terre et une fondue d’algues. Pas mal !
Mais le gros plus du livre sont les quelques pages consacrées à la recette de base de galette et de crêpe, et à leur cuisson. J’ai ainsi appris des petites choses intéressantes, comme le fait que la pâte à galettes se mélange à la main. Et c’est plutôt agréable comme mode de préparation ! Ca a un petit côté sensuel pas désagréable. J’ai aussi appris qu’on doit incorporer ce qui m’a semblé être trois tonnes de sel, mais qui se sont avérés justes à la dégustation. Et qu’on peut utiliser du saindoux pour graisser la poêle.
Résultat ? Ma crêpe jambon-fromage - pardon, ma galette complète - a été approuvée par toute la famille.
J’ai aussi testé la recette de base de crêpes qui était très bien, mais j’avoue l’avoir un peu adaptée. J’ai triplé la quantité de beurre (demi-sel, pour être raccord quand même) et ai ajouté la maxi-dose de rhum - hommage à Raymond Oliver, dont j’ai testé une fois la recette alcoolique de crêpe. D’ailleurs, je vous conseiller d’essayer ne serait-ce qu’une fois la recette d’Oliver, pas seulement pour la blague, mais aussi pour le goût, parce que c’est vraiment bon ! (Même si là aussi, j’avais adapté la recette en remplaçant le Ricard 🤢 par un peu plus de rhum et de bière 😋).
J’ai bien aimé aussi la double-page consacrée au pliage, digne d’un livre d’origami, même si impraticable quand on a une petite poêle - je parle d’expérience !
Bref, si vous êtes à la recherche d’un livre de recettes efficace et sans chichis autour des galettes et des crêpes bretonnes, n’hésitez pas.
Un livre génial, mais j’ai eu la flemme de lui consacrer une newsletter entière parce que, bon, moi + le poisson = 2 :
Cuisiner le poisson - Des découpes à la maturation à sec de Josh Niland - Editions Marabout
Donc oui, ce livre est tellement formidable que j’aurais pu y consacrer une newsletter entière. Ce qui ne pouvait se faire maintenant, un peu pour les mêmes raisons que pour le livre de Torosyan, parce que je suis une débutante totale en poisson et que je n’aurais pas eu le courage, en rentrant chez moi, de lever des filets de Saint-Pierre ou de chinchard pour la première fois de ma vie. Sans compter que le poisson, c’est 💸💸💸 et déjà que mon budget livres a explosé avec cette newsletter… 😅
Mais Cuisiner le poisson est juste génial, autant pour les débutants très motivés que pour les fins connaisseurs qui ont envie de renouveler leur regard sur le poisson. Le titre en VO, The Whole Fish Cookbook : New Ways to Cook, Eat and Think, témoigne de l’ambition du livre : proposer une approche originale du travail du poisson, largement inspirée de la boucherie. L’auteur, Josh Niland, tient d’ailleurs, entre autres établissements, une poissonnerie intitulée The Fish Butchery, où les étals parlent d’eux-mêmes.
L’idée est de travailler le poisson dans sa totalité, de mettre en valeur l’intégralité de ses parties y compris celles auxquelles on ne pense pas forcément - la tête, le collier, les abats - et de s’inspirer des techniques et des recettes des bouchers-charcutiers pour redécouvrir le poisson, comme la maturation à sec, la salaison, etc. Ces concepts sont largement détaillés dans la passionnante “introduction”, qui s’étale sur la bagatelle de 80 pages !
Bref, c’est un livre qu’on lit autant qu’on cuisine. L’ouvrage se montre volontiers pédagogique : il y a notamment des pages formidables sur la découpe du poisson, pour bien le choisir, pour mieux comprendre quand quelque chose a loupé (quand le poisson est trop cuit, quand il sent trop fort, etc.), ou encore une double-page impressionnante pour mieux visualiser les différentes parties de l’animal.
Quant aux recettes… J’ai bavé de ouf en lisant les intitulés et en regardant les listes d’ingrédients et les photos (assez sublimes pour certaines). Pas mal de plats sont évidemment à base de poisson poché ou cru et mariné ; mais certains sont bien plus surprenants, comme des saucisses de poisson grillées & sauce à l’oignon ; un boudin noir de la mer ; un cassoulet de poisson ; ou encore des toasts de foie de morue et persil frais. Le foie de morue, ça m’évoque plus un ingrédient de la potion magique de Panoramix, mais ça avait l’air fameux quand même ! Et il y a même quelques recettes audacieuses de desserts, comme un gâteau au chocolat & caramel salé de poisson qui est de toute beauté - même si je ne sais pas si j’aurais eu l’audace de tester ça 😅
Une bonne partie des recettes ont l’air de demander une certaine patience - mais si on pouvait sortir des assiettes aussi jolies et créatives en deux coups de cuillère à pot, ça se saurait !
Bref, un beau et bon livre que je vous recommande volontiers.
Une petite revue sympa pour les trajets en métro ou à la plage :
La Grenouille à Grande Bouche, La société à travers ce que l’on mange
Ce ne sera pas une grande découverte pour celles et ceux qui ont accès à de bonnes librairies, comme j’ai souvent vu cette revue bien mise en avant sur les présentoirs. Mais j’avais quand même envie de parler de La Grenouille à Grande Bouche, comme elle est l’une des rares revues de bouffe que je suis toujours curieuse de feuilleter quand je vois un nouveau numéro.
Les arguments pour :
Chaque numéro porte sur une thématique qui est traitée sous trois angles : société, cuisine et culture, ce qui permet de bien embrasser un sujet. Si je prends l’exemple du numéro sur le cochon que j’ai à la maison - désolée d’être redondante avec la charcuterie, mais évidemment cette newsletter se recoupe avec ma reconversion 😅 La revue fait le portrait d’éleveurs paysans, s’entretient avec l’association GroinGrouin et une autre sur la pollution engendrée par l’élevage intensif, plonge dans le lexique du pâté et propose des recettes mêlant mijoté de joues de porc et saucisse végan. Bref, c’est un joli traitement ! La revue se termine par une rubrique “à boire et à manger” également très sympa, et qui comprend notamment, vous l’aurez deviné, une rubrique livres de bouffe.
Je m’agace un peu du star-system des chefs qu’entretiennent certaines revues de bouffe ou de cuisine (souvent chefs et pas assez cheffes par ailleurs). La Grenouille à Grande Bouche a le mérite d’interroger d’autres acteurs, comme des producteurs, des artisans ou des associations.
Niveau articles, c’est comme je l’écrivais dans le titre, parfait pour les trajets de métro ou la plage. On est sur une lecture curieuse, instructive sans non plus être sur du journalisme d’investigation, donc parfait si on veut une lecture documentée et détente en même temps.
Enfin, chapeau bas à ce joli projet de restaurant et revue participatifs, dont vous pourrez apprendre plus dans cette interview de la rédactrice en chef, Louise Katz, sur Atabula. Et je dois rendre à César ce qui appartient à César, La Grenouille à Grande Bouche est basée à Rennes. Respect à la Bretagne 😄
Livre bonus et un peu de teasing sur la prochaine newsletter :
The Best American Food Writing 2019, édité par Samin Nosrat
Quand on me demande : “pourquoi cette newsletter ?” Je réponds généralement que c’est parce que je voulais lire des critiques de livres de cuisine aussi fouillées que les critiques pour la littérature et que je n’en trouvais pas. Parce que l’édition culinaire est tellement riche et passionnante qu’on ne sera pas de trop à défricher le terrain et conseiller quelques perles. Parce que cuisiner à la maison et régaler mes proches est une de mes plus grandes joies, et que cette newsletter me donnait une bonne excuse pour semer des tupperware à tout va.
Mais la “vraie” raison, c’est découvrir avec vous et partager des histoires, des points de vue, des regards un peu différents sur le monde, à travers la bouffe.
En cela, je dois beaucoup au food writing anglo-saxon pour lequel j’ai développé un appétit aussi vorace que pour euh… N’importe quelle recette à base d’halloumi grillé ou tout ce que Netflix voudra bien me proposer en télé-réalité feel-good2 😄
Des reportages au long cours qui nous emmènent dans des coins reculés ou dans des sujets improbables, une écriture où on sent l’empreinte de chaque auteur ou autrice, des textes parfois profondément intimes et touchants, et surtout à chaque fois des histoires passionnantes…
Je suis loin, trèèèès loin d’arriver à la cheville de la plupart de ces food writers, mais l’émotion et le plaisir de lire qu’ils m’ont procurés sont toujours logés dans un coin de ma tête quand je vous écris, comme une forme d’horizon lointain ou de sphère des possibles.
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J’ai ainsi acheté un exemplaire du Best American Writing consacré à la nourriture - ils le déclinent aussi pour le voyage, le sport, etc. Et en particulier l’édition de 2019 parce que les articles étaient sélectionnés par Samin Nosrat, dont j’avais bien aimé Sel, gras, acide, chaleur.
En vrai, j’aurais pu lire les articles sur le net - je vous ai d’ailleurs mis les liens de chaque article cité pour que vous puissiez les consulter- mais j’aime le confort du papier.
La sélection, volontairement inclusive et militante, est passionnante. Evidemment, comme pour n’importe quel recueil, j’ai préférés certains articles à d’autres, mais la plupart m’ont enthousiasmée pour leurs sujets, écritures et les angles choisis.
Certains textes ne font que quelques pages, comme le touchant article sur une association qui améliore le quotidien d’Inuits en maison de retraite en leur acheminant des plats indigènes traditionnels. D’autres chapitres sont aussi longs qu’une nouvelle, comme un reportage plus intéressant qu’il ne semble à prime abord sur une box mensuelle d’haricots secs.
Certains articles sont légers, comme l’amusant périple d’un journaliste en Finlande, le pays du salmiakki, une réglisse salée qui a l’air un peu étrange mais qu’affectionnent les peuples nordiques. D’autres sont plus sérieux comme un passionnant article sur pourquoi les enfants des classes populaires américaines mangent davantage de junk food que les classes aisées - la réponse n’est pas une question d’éducation. Mais, raison plus déchirante, parce que la junk food est le seul “petit plaisir” que les parents peuvent facilement accorder à leurs enfants.
Certains écrits touchent de manière frontale à des sujets plus sensibles, comme le scandale qu’a provoqué un chef influant en qualifiant certains restaurants chinois du Midwest de “horseshit” (sic), ou comment le mouvement mainstream végan aux US a ignoré les végans issus de minorités.
Enfin, d’autres sont volontiers intimes, brossant sur des histoires personnelles comme le témoignage bouleversant d’une autrice sur son enfance, ou ce que manger signifie quand on grandit pauvre (et immigrée) dans un pays aussi riche que les US.
Bref, vous l’aurez compris, le recueil est éclectique tant dans les thématiques que dans le style d’écriture, mais chaque article racontait quelque chose de passionnant, une information que j’étais contente d’apprendre et surtout des histoires qui ouvrent le regard.
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Et du coup, la prochaine newsletter ?
Cette dernière partie me permet d’en dire un peu plus sur la prochaine chronique qui s’étalera sur… 4 parties. Carrément ! Je vous enverrai une partie chaque semaine pendant tout le mois de mars.
Ca ne fait pas si longtemps que la newsletter existe - en mars, ça fera 6 mois, mais j’avais envie de tester un format un peu différent, et de raconter un peu plus une histoire en plus d’un livre de cuisine. Mais je vous rassure, on parlera quand même pas mal recettes, et pas des moindres, comme on abordera la cuisine d’Ottolenghi.
Je suis un peu nerveuse parce que je traiterai d’un sujet qui peut s’avérer un peu touchy selon les sensibilités et il suffit de parfois pas grand chose pour que les ires se déchaînent sur Internet… Mais qui ne tente rien n’a rien !
Je vous dis à la prochaine newsletter, passez des bons moments en cuisine et encore merci de me lire !
Marjorie
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Ce qui est une épreuve pour mon bras droit, mais une formalité bouclée en 3 min 20 par mes collègues 🤷♀️
Style Queer Eye ou A table avec Nadiya. Par exemple, cet épisode ou celui-ci. En ce moment, je suis plongée dans Love is Blind : Japan… Pensez concept stupide de télé-réalité de dating - des hommes et des femmes doivent trouver l’âme sœur sans jamais se voir, mais “juste” en conversant - mais passé au filtre de la culture et de la retenue japonaises. C’est plus passionnant qu’on ne pourrait le croire !
Merci pour le partage de la pépite de la recette de crêpes alcoolique ! 😂 On dirait un sketch.
Et la boucherie/poissonnerie.. du genie