Le livre du club très fermé des mordus de la tourte de Calum Franklin - Editions Hachette
God save the pie
Le livre en un coup d'oeil
⭐⭐⭐⭐⭐ Un super livre avec peu ou pas de défauts❤️ Les trucs que j'ai aimés : des recettes à tomber par terre tellement elles ont l'air incroyables, le détail des instructions, les photos dingues.💔 Ce que j'ai moins aimé : la mise en page vieillissante🍮 Les recettes que j'ai faites : un bon goût sur les deux recettes effectuées, même si mon niveau était clairement au-dessous de ces recettes exigeantes...😋 Ma recette préférée : Les petits pâtés de porc chauds (p 86)💪 Niveau d'accessibilité : Des recettes exigeantes et longues pour la grande majorité. Malgré ses efforts de pédagogie, il faut quand même chercher des infos sur le net, notamment pour le façonnage, sinon ça reste compliqué. Donc à réserver aux cuisinier(e)s expérimentées et/ou motivées !
Introduction
La découverte de ce livre, je la dois à un post Instagram de Vadim Aubert, chef chez Lastre sans Apostrophe. J’avais déjà dans mon viseur deux des livres mentionnés, ceux de Yohan Lastre et de Karen Torosyan, des orfèvres et champions du monde de pâté-croûte.
Et il y avait également ce livre de Calum Franklin, dont le nom ne me disait rien.
Si ce livre était mentionné au côté des deux autres, je me suis dit qu’il y aurait sans doute quelque chose de sympa à creuser…
Et bon sang que oui, il y en avait des choses à creuser dans ce bouquin - et puis à pétrir, farcir, façonner et toutes autres joyeusetés impliquant de la pâte fourrée à quelque chose.
Je dois avouer que je ne connais pas bien la tourte britannique. J’ai déjà mangé des tourtes à la viande, mais des tourtes estampillées “british pie”, je ne crois pas en avoir jamais mangé dans la vie.
Mais là où c’est beau, c’est que la vaste majorité des recettes de ce livre me faisaient terriblement envie. Pas juste : “ah tiens, ce serait sympa d’essayer”. Mais vraiment l’effet : “OH LA LA JE VEUX FAIRE CA DEMAIN A LA PREMIERE HEURE, VITE TROUVEZ-MOI DU SAINDOUX”.
Ma critique du Livre du club très fermé des mordus de la tourte de Calum Franklin
Pourtant, je ne suis pas fan de l’aspect général du livre - qui fait très old school malgré sa parution en 2019 dans sa version originale, et en 2020 dans sa traduction française. C’est pas parce qu’on traite d’un plat bien tradi qu’on doit se sentir obligé de proposer une mise en page aussi planplan, avec le papier lisse qui rappelle les vieux livres de cuisine des années 80…
Mais heureusement que les photos parlent d’elles-mêmes. C’est un bonheur de voir ces décorations en pâte si joliment ouvragées, ces croûtes bien dorées, ces tourtes aux formes extraordinaires de Saint-Jacques ou de poisson… Ce sont de véritables œuvres d’art. Je n’ose imaginer les heures, ou plutôt les mois de travail qui se cachent derrière chaque plat. Et même si on sait pertinemment qu’on n’arrivera probablement jamais à tant de perfection à la maison, ça donne envie d’essayer ne serait-ce que pour s’en approcher.
Des recettes qui font envie
Au-delà de l’aspect waouh des photos, ce sont évidemment les plats eux-mêmes qui ont fini de me faire tomber amoureuse de ce livre.
La grosse majorité des recettes sont donc des spécialités à base de pâte. Sausage roll, petits pâtés au porc, et surtout des tourtes et quiches diverses et variées, ainsi que des tartes sucrées en dessert.
Ces recettes à base de pâte sont juste dingues. Je ne vais pas vous faire la liste, je vous laisse les découvrir, mais elles ont ce côté réconfortant, rustique, très Sean Connery au bord de la cheminée ; tout en ayant par ailleurs une exigence technique assez excitante pour peu qu’on aime se lancer des défis derrière les fourneaux.
Le livre propose moult tourtes à la viande ou au poisson évidemment, mais ce sont les tourtes à base de légumes qui m’ont le plus enthousiasmée. J’en cite 3 pour l’exemple :
Un mac’n’cheese pie : des pâtes et du fromage qui dégoulinent d’une pâte brisée, vous imaginez la décadence de ce truc ?
Une pie dauphinoise aux oignons caramélisés, par ailleurs la tourte préférée servie au restaurant-boutique du chef, comme je l’ai appris dans un podcast (cf. plus bas). Je vous mets la photo ci-dessous.
Un Wellington à la betterave, avec des épices du Maghreb : une belle idée que j’ai trouvée aussi inattendue que plaisante, et qui fait partie des deux recettes que j’ai testées.
Au-delà des tourtes, les amateurs de pâté-croûte pourront également se régaler avec ce livre. Surtout que vous y retrouverez plusieurs recettes assez différentes de nos versions françaises, dans leurs goûts sucrés-salés, ou dans leur recours tout britannique au “curry”. Citons par exemple un pâté-croûte dinde canneberges, ou un Coronation chicken pie avec du garam masala et des raisins secs.
Bref, tout ça a l’air très bon, mais quid de la difficulté me direz-vous ?
Soyons honnêtes, ce livre n’est pas pour tout le monde.
De toute façon, à partir du moment où il faut faire de la pâte maison et où surtout, il faudra faire plus de trucs avec ladite pâte que de la poser au fond d’un moule à tarte, il faut être un minimum motivé(e). A titre indicatif, j’ai un niveau jeune padawan en matière de pâte maison : je suis capable de faire des pâtes brisées et, depuis peu, feuilletées, mais les abaisser à une épaisseur régulière reste un gros défi. Je ne parle même pas du façonnage. Sur les deux recettes réalisées, je n’ai pas eu de mal sur la préparation de la pâte et de la farce, mais le moulage était évidemment plus hasardeux.
En suivant ce livre, comme pour bien d’autres bouquins par ailleurs, il faut accepter l’idée si on est un cuisinier amateur, qu’il y aura forcément des moments de doute auquel le livre ne répondra pas. Et qu’on ne fera jamais aussi bien sur la photo (à moins d’essayer plein de fois, et encore).
Par ailleurs, les plats sont la plupart du temps pour 6-8 personnes, donc il vaut mieux avoir plusieurs bouches à nourrir - ou disposer comme moi de cobay… Euh, d’amis suffisamment affamés pour accepter de tester 😅
Malgré la difficulté, un bel effort de pédagogie de la part du livre
Au final, si on aime se lancer des défis, passer du temps en cuisine le temps de 3 podcasts d’une heure et avoir la satisfaction de se dire “je l’ai fait”, ce livre est un merveilleux terrain de jeu.
Et ce d’autant plus qu’il dispose de plusieurs points positifs niveau pédagogie. J’ai particulièrement bien aimé les différentes recettes de pâte, que ce soit les classiques ou d’autres plus en mode charcuterie, comme la pâte à l’eau chaude, qui est juste extraordinaire. Les étapes sont très claires, et le livre comprend également un instructif chapitre consacré aux “secrets de la pâte” pour éviter de faire quelques erreurs de débutants.
Les recettes en elles-mêmes sont également bien détaillées, inévitablement longues vu le type de préparation, mais si on suit bien les étapes, je pense qu’on peut très bien s’en sortir. Je ne les ai pas toutes faites évidemment, mais à la lecture, je comprenais où les recettes voulaient nous emmener.
Les grammages sont également donnés, bien que sur quelques recettes, notamment la betterave Wellington, le poids exact de la betterave et de la butternut n’avait pas été indiqués (pas pratique). Heureusement que j’avais retrouvé la recette sur Internet pour obtenir le poids précis. Néanmoins, ces recettes où le doute subsiste sont minoritaires.
A noter quand même que le livre ne se suffit pas en lui-même, il reste nécessaire d’aller faire quelques recherches sur le net. J’ai par exemple découvert le pie dolly (un outil qui permet de façonner les boules de pâte comme un potier, incroyable !) ; et rien ne vaut une bonne vidéo pour comprendre de quoi il en retourne plutôt que dix lignes d’explication dans un livre.
En résumé
Pour peu que vous aimez la cuisine rustique et vous relever les manches, ce livre est un petit bijou. Légumes, viandes, poissons ; des saveurs typiquement britanniques parfois surprenantes ; vous aurez vraiment de quoi faire et vous amuser. A savoir que le livre comprend également des recettes sans pâte, plus simples mais tout aussi excitantes - par exemple, une “fish pie ultime” (vrai nom du plat) qui a l’air délicieuse. Ainsi que quelques recettes qui relèvent quasi de l’impossible au vue des ingrédients - du chevreuil ?! - mais qui font quand même plaisir aux yeux.
Un bel équilibre donc entre des recettes certes un tantinet exigeantes mais tout à fait faisables et qui constituent la majorité ; une minorité (disons 15-20% à la louche) de recettes plus simples ; et puis quelques fameuses recettes de l’impossible qui sont juste là pour faire rêver.
J’ai aussi eu une pensée pour les copains et copines en reconversion charcuterie : je suis sûre que vous allez aimer ce livre, ainsi que toutes les personnes fans de la pâtisserie charcutière. Il y a ce plaisir du “travail complet”, où on doit maîtriser le travail de la pâte, les farces, les cuissons, l’harmonie des goûts entre la pâte et la farce… D’avoir voulu ramener tout ça à la portée du cuisinier amateur était un beau défi joliment relevé ici.
Enfin, on pourra retenir qu’il y a derrière cet ouvrage non seulement une jolie histoire entre un cuisinier et un produit de son pays, mais aussi un beau travail d’équipe dont les membres sont présentés en fin de livre1. On sent une passion partagée, et une volonté sincère de partager cette dernière avec les lecteurs, chose pas forcément évidente à transcrire dans un livre de cuisine. Pari réussi.
Recettes testées
Wellington à la betterave - p 110
Le résultat n’était pas toujours régulier (en attestent les photos où le pourtour en butternut2 fait sa vie) et il s’est passé un truc que j’ai pas compris pendant la cuisson : un liquide coulait sous le papier sulfurisé. Au début j’ai cru que j’avais mal refermé ma Wellington et que c’était du jus de betterave, mais non, c’était “juste” un liquide gras (??!). Mais c’était spectaculaire à la sortie du four. Parfait pour se la péter à un repas de fête 😙 Niveau goût, j’ai bien aimé mais sans plus ; par contre, une copine et mon compagnon ont sur-kiffé. J’ai adoré en tout cas cette idée de Wellington végétarien, où la cuisson est beaucoup plus simple à maîtriser. Et c’est quand même une façon bien plus sympa de manger des betteraves qu’en vinaigrette.
Petits pâtés de porc chauds - p 86
J’ai adapté les ingrédients à ce que j’avais sous la main. La recette originale comprend de l’épaule de porc, du lard fumé et du saindoux ; j’ai remplacé la moitié de l’épaule par de la chair à saucisse, et ça a un peu trop salé la préparation. La farce était quand même délicieuse, notamment grâce aux graines de fenouil et de moutarde jaune qui relevaient agréablement le tout.
Le défi était dans le façonnage des pâtés. Si on ne disposait pas du fameux pie dolly, le livre recommandait de foncer l’intérieur d’un anneau, mais impossible pour ma part de retirer le pâté de l’anneau. Donc j’ai eu recours à la solution de facilité, j’ai mis mes pâtés dans des petites cocottes et ça a fait l’affaire. Evidemment, je me suis retrouvée avec une pâte trop épaisse parce que je suis loin de maîtriser, mais la pâte était quand même DINGUE (et très, très facile à réaliser). Le dessus, là, tout doré… C’était bon, mais bon ! Juste ce qu’il faut de gras, bien aromatisé… L’aspect pas ferme du tout est assez déroutant quand on vient de terminer de mélanger, mais le résultat final à la sortie du four… Je ne vous dis que ça.
* Je réaliserai sans doute la recette de pie dauphinoise cet hiver, dont je ferai un petit update quand ce sera fait.
Pour aller plus loin
Niveau de faisabilité
Vous l’aurez compris, niveau faut être motivé(e) et avec du temps au calme devant soi - j’entends déjà mes amis jeunes parents éclater de rire.
A noter que du côté des ingrédients, à part le chevreuil et euh, le suif (peut-être trouvable en boucherie ?), la vaste majorité des recettes ne demandent rien de compliqué à dégoter.
Le seul truc par contre, si vous souhaitez aller jusqu’au bout, il faudra investir dans les moules et le rouleau à losanges. Mais vous pouvez aussi accepter, comme moi, d’avoir des pâtés pas très dorés sur les côtés et une décoration basique.
Niveau de végé-friendly
Pas friendly dans la grosse majorité, vous l’aurez compris. Amis végés, il y aura d’autres livres pour vous dans les prochains mois !
A lire également
Vous pourrez découvrir le parcours de Calum Franklin et son histoire d’amour avec les tourtes anglaises dans le livre, mais aussi dans divers articles sur le net (par exemple, celui-ci sur Foodism).
J’ai également beaucoup aimé ce podcast de The Spectator où il raconte comment il a eu l’idée de lancer son restaurant-boutique dédié aux tourtes, The Pie Room, et où on sent toute sa passion et son envie de valoriser le patrimoine culinaire britannique, ainsi que l’excitation de découvrir et perfectionner des techniques plus ou moins oubliées. J’aime beaucoup quand il raconte comment leurs magnifiques moules en cuivre, en reflétant la lumière, peuvent attirer l’attention de passants de l’autre côté de la rue, qui traversent pour voir, et se trouvent happés par l’odeur des tourtes… Quelle magie !
En parlant de magie, il faut évidemment aller voir l’Instagram de Calum Franklin pour baver sur toutes ces tourtes magnifiquement ouvragées.
En faisant quelques recherches sur les tourtes britanniques, je suis tombée sur la stargazy pie, une folie avec des têtes de sardines qui sortent de la croûte ! Un article de Vice (FR) en parle.
Infos
Le livre du Club très fermé des mordus de la tourteAuteur : Calum Franklin | Photographies : John Carey
Hachette | 4 novembre 2020 | 35 €
288 pages | ISBN 9782016279830
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Ca m’a permis de découvrir Nokx Majozi, la “head pie maker” (j’veux tellement mettre ça sur mon CV un jour) de The Pie Room. Elle a un parcours qui déchire. Petite interview ici.
J’ai utilisé le reste de butternut dans cette excellente recette de soupe.