Mafé, yassa et gombo - la cuisine africaine d'Alexandre, d'Alexandre Bella-Ola - Editions First | Partie 1
Et j'ai (quasi) tout cuisiné dans le titre ✌️
Des Pages en Cuisine est une newsletter consacrée aux livres de bouffe. Pas encore abonné(e) ? C’est par ici :
Le livre en un coup d'oeil
⭐⭐⭐⭐⭐ Un super livre avec peu ou pas de défauts❤️ Les trucs que j'ai aimés : des recettes variées, créatives et qui donnent envie, un malin chapitrage par ingrédient, les petites introductions aux recettes et la mise en page sobre et élégante💔 Ce que j'ai moins aimé : pas grand chose à vrai dire !🍮 Les recettes que j'ai faites : deux recettes vraiment super bonnes, et une carrément foirée (mais parce que je ne connaissais pas l'un des ingrédients ?)😋 Ma recette préférée : Le yassa burger - p 32. Une vraie tuerie.💪 Niveau d'accessibilité : Des recettes globalement accessibles, mais un peu longues pour certaines. Par ailleurs, certaines recettes demandent de se rendre à une épicerie africaine afin d'acquérir des ingrédients spécifiques, mais elles ne sont pas majoritaires
Disclaimers
Disclaimer n°1 : j’ai du envoyer cette newsletter en 2 parties pour qu’elle ne soit pas coupée dans votre boîte mail. J’espère que vous êtes en train de me lire pendant un trajet de métro ou un très long petit-déjeuner 😄
Disclaimer n°2 : je suis une méga-quiche en cuisine africaine1. Voilà, c’est dit.
Un jour, je m’étais demandé avec mon compagnon combien de plats de pays africains, hors Maghreb, on pouvait citer2. Et on en avait 2. Seulement 2, merde quoi.
On pouvait citer le mafé et le yassa. Oui, je sais. C’est un peu comme si quelqu’un me disait qu’il ne connaissait de la cuisine asiatique3 que les sushis et les nems.
Faut bien commencer quelque part.
Donc je me suis dit que ce joli ouvrage découvert par hasard à la bibliothèque, et signé d’Alexandre Bella Ola, chef originaire du Cameroun, serait l’occasion de réparer un petit peu ce gros, très gros trou de connaissances que j’ai sur les spécialités et les produits des divers pays d’Afrique subsaharienne.
Et le fait que je sois complètement inculte en la matière a largement contribué à l’excitation et l’expérience toute particulière qu’aura été de cuisiner des recettes de ce livre.
Ma critique de Mafé, yassa et gombo d'Alexandre Bella Ola
Je dois dire que la très vaste majorité des livres de cuisine que j’utilise proposent des recettes qui font sens pour moi dès la lecture des ingrédients. Je sens que le plat va être à priori bon simplement en regardant la liste des ingrédients, et ce même si les quantités ou les associations me surprennent.
C’est le cas d’environ la moitié des recettes de Mafé, yassa et gombo. Je vous cite deux exemples de recettes que je n’ai pas testées, mais qui me donnaient l’eau à la bouche rien qu’à leur lecture : un sorbet mangue et un tiep blanc végétarien.
La glace à la mangue est accompagnée d’un coulis de piment végétarien - qu’est-ce que ça doit être bon, le mélange des deux ! Et le tiep comprend une bonne dose de tamarin et de moutarde, ingrédients que j’avais jusque là toujours cuisinés séparément. Dans les deux cas, même si ces associations étaient nouvelles pour moi, j’arrivais à imaginer peu ou prou le goût que les plats pouvaient avoir parce que je connaissais déjà relativement bien les ingrédients.
La joie de découvrir des manières nouvelles de cuisiner des ingrédients familiers...
C’est l’une des choses que j’aime le plus avec la découverte de cuisines d’autres pays : adopter des manières nouvelles pour moi de cuisiner des ingrédients qui me sont déjà familiers. Un exemple tout simple, les herbes aromatiques sont omniprésentes dans la cuisine vietnamienne avec laquelle j’ai grandi. D’avoir découvert récemment comment des recettes de la cuisine levantine peuvent accommoder des herbes fraîches avec du citron, des épices comme le sumac ou le zaatar… Ca a un peu changé ma vie. Avec Mafé, yassa et gombo, j’ai également découvert d’autres façons de cuisiner la pâte d’arachide, l’oignon, la patate douce qui m’ont enthousiasmée.
... Mais aussi des ingrédients totalement méconnus
Donc ça, c’est une moitié des recettes. L’autre moitié des recettes… Ca a été une toute autre expérience, parce que je lisais le nom d’épices, de céréales, plantes et préparations pour la première fois de ma vie : le ndolé, l’égoussi-ngondo, le saka saka, l’akpi-djansan, le gari, pour n’en citer que quelques uns. Ces derniers sont certainement, pour beaucoup de personnes, aussi évidents que la sauce soja ou le sel de Guérande le sont pour moi. Mais de mon côté, c’était full découverte et carrément excitant de me retrouver en territoire inconnu.
Après, c’est bien d’être dans une sorte de joie naïve des nouvelles choses, mais j’étais plus embêtée pour savoir si 1) j’avais plus ou moins réussi le plat, ou pas du tout 2) si j’avais obtenu un goût qui se rapprochait de l’effet voulu. Impossible de le savoir puisque je n’avais jamais rien goûté de tel auparavant.
Tout ça m’a fait penser à un plat que j’adore. Prenez de la mangue verte pas mûre, bien acide comme il faut, et trempez-la dans une sauce à base de, tenez-vous bien, nước mắm pur, beaucoup de sucre et du piment4. Je suis assez sûre que si on ne connait pas le goût qu’est censée avoir la sauce, puis l’association entre la mangue et ladite sauce, et qu’on n’a pas l’habitude de manger vietnamien ou thaïlandais, on ne peut qu’être en mode WTF devant le résultat, et se demander si c’est vraiment ce goût-là qu’il fallait obtenir. Sans compter que c’est typiquement le genre de préparations que les parents vous transmettent avec des quantités au pifomètre, en vous disant d’un ton interloqué : "mais tu ajustes en goûtant, voyons”. Alors vous imaginez si vous ne savez même pas quel goût c’est censé avoir ?!
Donc j’ai eu le même effet sur une recette que j’ai testée avec de l’akpi-djansan - je vous en parle plus en détail dans la deuxième partie de la newsletter. Je n’ai pas aimé le goût de mon plat, mais je ne savais pas si j’avais vraiment foiré ma préparation ou si c’était bien plus ou moins le goût que j’étais censée obtenir. Mystère et boule de gomme.
Mon compagnon m’a fait remarquer qu’il aurait fallu qu’on goûte d’abord un plat avec de l’akpi-djansan dans un restaurant pour se faire une idée, et il avait évidemment raison. Cela m’aurait permis d’avoir un mini référentiel. Mais malgré le résultat incertain, je ne regrette absolument pas d’avoir tenté parce que c’était cool d’essayer quelque chose de complètement inconnu. Même si, oui, maintenant, il faut aller au resto. Ou si une âme charitable veut bien m’éclairer sur le sujet de l’akpi-djansan en commentaire, je suis preneuse 😄
Les qualités du livre, point par point
C’aura été une looongue introduction sur mon expérience avec le livre, alors il est temps de rentrer dans les caractéristiques !
Déjà, le livre est canon, avec des photos sobres, simples et raffinées, aux couleurs joliment contrastées.
La façon dont le livre est construit est aussi très maligne : un produit est présenté sur une page d’introduction, puis est décliné en plusieurs plats, eux-mêmes introduits par des éléments explicatifs et des anecdotes. C’est comme si quelqu’un nous parlait d’un produit qui lui tient à cœur, et nous montrait avec bienveillance comment l’utiliser. Les introductions sont d’ailleurs très agréables à lire : l’auteur y recontextualise l’origine des plats, et partage avec humour des histoires de son enfance qui rendent encore plus vivantes ces recettes. Il raconte par exemple, en introduction de la recette de glace à la mangue, comment enfant il s’amusait avec d’autres gamins à manger des mangues encore accrochées aux arbres, et ce sans les mains, et comment c’était devenu un spectacle pour les habitants du village. Il y a de la tendresse, de l’humour dans ces histoires d’enfance qui sont un régal.
Des recettes qui se démarquent par leur créativité
Et quid des recettes ? Eh bien, c’est leur créativité qui m’a le plus plu. Le livre propose nombre de recettes de base : les sauces notamment, et des façons simples de cuire des ingrédients emblématiques comme l’igname ou le manioc
Mais il y a aussi beaucoup de recettes qui font croiser dans des métissages passionnants des plats traditionnels et la créativité du chef. Je pense au gourmand yassa burger que j’ai réalisé, mais aussi aux intéressants bœuf bourguignon au gombo, au pesto de Moussa où le basilic côtoie les épices camerounaises, ou encore le gratin d’igname, clin d’oeil au gratin dauphinois.
Le seul aspect qui m’a interloquée était le fait que la plupart des recettes ne soient pas pour 4 ou 6 personnes, mais pour 5 à 7 personnes. J’ai un peu fait des divisions à la noix pour retrouver des quantités pour à peu près 4 🤷♀️
Mais à part ce détail, les recettes étaient claires, bien expliquées, et surtout mettaient le doigt là où il le fallait. Prenons l’exemple du mafé où il faut faire réduire plusieurs fois les préparations. Perso, je suis du genre à préparer deux plats en même temps, à commencer ma vaisselle pendant que ça cuit, et du coup à laisser allégrement cramer les oignons qui devaient être juste caramélisés. Le fait que la recette insiste bien sur le fait d’attendre que ça accroche pour ajouter de l’eau chaude, et qu’elle répète textuellement ces étapes de “réduire-ajouter de l’eau quand ça accroche-réduire-ajouter de l’eau quand ça accroche-réduire encore” m’a aidée à retenir mon attention et à bien respecter le déroulé.
Enfin, dernière chose que j’ai bien aimé du livre : le fait que des recettes incluent des ingrédients qui font polémique, mais qui font partie intégrante des pratiques de cuisine, comme par exemple l’huile de palme ou les bouillons cube5. C’est évidemment une bonne chose de se renseigner et de faire attention à sa consommation, son impact social et environnemental ; mais c’est aussi une autre bonne chose de savoir comment les personnes cuisinent dans la vraie vie et d’éviter les jugements hâtifs, surtout quand ils concernent des cultures et des contextes qui ne sont pas les nôtres.
En résumé
Voilà un très chouette bouquin pour celles et ceux qui voudront découvrir et apprendre à cuisiner des produits et des plats emblématiques de divers pays de l’Afrique Subsaharienne, grâce à des recettes qui oscillent entre les pratiques de base et des recettes à la créativité et au métissage alléchants. L’idéal, vous l’aurez compris, serait d’avoir une idée du goût des ingrédients et des plats, sinon vous risquez comme moi de ne pas savoir si vous êtes arrivés au bon résultat. Mais même dans ce cas, vous pourrez déjà vous régaler avec nombre de recettes aux ingrédients plus familiers, comme un délicieux poulet yassa ou une tarte tatin de bananes. Et vous aurez fait, comme moi, un premier pas qui inaugurera peut-être moult découvertes.
*J’ai partagé mon ressenti en tant que quiche, mais je serais très curieuse de connaître l’avis de personnes au niveau non-quiche, et/ou qui ont des origines ou des familles venant d’Afrique Subsaharienne. Si vous avez testé ce livre et que vous connaissez bien la cuisine de ces régions, je serais ravie de vous lire en commentaire !
> La suite arrive dans 5 minutes dans la deuxième partie de la newsletter avec les recettes testées : je vous conseille vivement d’y jeter un oeil pour constater de vous-même l’étendue de mes (non) talents culinaires 🤣
Vous avez aimé cette newsletter (ou du moins sa première partie) ? N’hésitez pas à la partager !
C’est certes en partie dû au manque de visibilité dont souffrent encore les gastronomies des pays d’Afrique Subsaharienne, mais c’est aussi, évidemment, parce que je reste dans ma zone de confort. Ce n’est pas comme s’il n’y avait aucun restaurant tenu par des chef(fe)s d’Afrique de l’Ouest à Paris, hein ! Donc si je suis une noob dans le domaine, c’est majoritairement de ma faute et parce que lorsque je vais manger dehors, j’ai systématiquement envie d’une pizza ou de poulet frit - d’ailleurs, le podcast Manger a fait un intéressant épisode sur pourquoi on aime toujours manger la même chose. Mais je me soigne tranquillement pour sortir hors de me sentiers battus, et cette newsletter fait partie du processus !
C’est parti de cette vidéo de TwoSet Violin. Après, on a décliné le jeu à d’autres sujets. Voilà comment on s’occupe. Je suppose qu’on est un couple chiant.
Et je vais arrêter à partir d’ici de parler de “cuisine africaine” et de “cuisine asiatique”, parce que bof, comme terminologie. De la même manière que lorsque j’étais en Asie, entendre parler de “western food” me hérissait toujours le poil.
A ce sujet, je suis tombée sur ces articles intéressants sur l’huile de palme et sur les bouillons-cube et leur vaste présence en Afrique (Le Monde et cette vidéo Arte)
Merci beaucoup pour cet article c'est super intéressant et ça donne envie de tester les recettes. En effet j'hésitais à acheter ce livre car chaque pays en Afrique à sa propre version de certaines recette. Ce faisant, certaines images de certains plat que je connais ne me donnais pas envie d'essayer car j'aurais voulu retrouver celle que je connaissais spécifiquement. Mais en lisant cet article et le suivant je suis moins réfractaire à essayer de nouvelle variante :)
Merci beaucoup