On vous a transféré cette newsletter ? N’hésitez pas à vous abonner pour recevoir les prochaines !
Pour celles et ceux qui se sont abonné(e)s depuis octobre et qui ont complètement oublié de quoi cette newsletter parle - et je vous comprendrais très bien 😅 : je m’appelle Marjorie et je chronique des livres de recettes. Je papote aussi cuisine à la maison, comme c’est le cas aujourd’hui. Vous pouvez découvrir les anciennes newsletters les plus populaires ici.
~Temps de lecture : 10 min.
Bonjour, bonjour !
J’espère que vous allez bien. Je suis ravie de vous retrouver aujourd’hui pour ce nouveau format intitulé tout simplement [La question du jour]. L’idée ? Vous inviter à témoigner sur un sujet lié à la cuisine - tout en vous partageant mon expérience et, comme d’habitude, plein de liens pour prolonger la lecture. J’espère que ça vous plaira ! :)
Il y aurait beaucoup, beaucoup de choses à discuter sur le couple et la cuisine.
On ne va pas aborder les questions difficiles aujourd’hui, comme la charge mentale et l’inégale répartition des tâches dans les couples, notamment hétérosexuels… Ce sera pour un autre jour. Mais on va parler d’un sujet un peu plus léger, quoique, ça dépend des couples, j’imagine 😅
Donc :
Vous et votre moitié, aimez-vous cuisiner et manger la même chose ?
***
En racontant à deux de mes collègues que j’allais écrire sur cette question, ils ont immédiatement pensé à un épisode… D’Hannah Montana (!) où un personnage tombe amoureux d’une végétarienne. On n’a pas exactement les même références - dix ans plus âgée qu’eux, j’ai grandi avec des séries TV autrement plus intellectuelles comme… Une nounou d’enfer ou Sex and the city 😅 Mais le duo carnivore/végétarien(ne) ou vegan est effectivement l’un des cas les plus “emblématiques” de la différence d’alimentation en couple.
Sans doute parce qu’au-delà de tous les clichés d’extrémisme que les végés/vegan se tapent encore, ne se joue pas uniquement une “simple” histoire de goût alimentaire, mais une dimension morale forte - par ailleurs, encore dramatiquement genrée. Et autant on n’a pas besoin de partager les mêmes passions en couple, autant nos convictions et notre vision du monde, bah c’est une autre histoire. Même si bien entendu, on retrouve denombreuxtémoignages et astuces de couples végés/carnivores qui s’en accommodent bien, notamment grâce aux quelques compromis que je vous mentionnerai plus bas.
***
Je m’attendais aussi à lire beaucoup d’articles sur les couples inter-religieux, mais j’en ai finalement trouvé très peu. Peut-être parce que si on a trouvé un terrain d’entente sur des questions beaucoup plus épineuses que l’alimentation, le reste est plus tranquille ? A vous de me dire si vous en faites partie :)
Par contre, le cas qui semble créer le plus de difficultés, et où j’ai aussi trouvé le plus de témoignages, c’est lorsque les personnes n’ont pas la même approche de l’alimentation et/ou n’aiment tout simplement pas manger la même chose. La question du goût, en somme.
Par exemple, quand l’un(e) est épicurien(ne) et que l’autre ne trouve pas particulièrement de plaisir à manger. Quand une personne aimerait faire du repas un moment de partage, bien assis à table pendant une heure, et que l’autre préfère manger rapidement devant la télé. Ou quand l’un(e) est fan de raclette et de saucisse-purée, et que l’autre préfère manger des buddha bowls et du houmous.
Et l’une des questions qui susciteraient le plus de disputes dans le couple ? Le traditionnel “Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?” Ou plus précisément, signe de notre époque, “qu’est-ce qu’on commande ce soir ?”.
Finalement, je ne suis guère étonnée que la “simple” différence de goûts ou d’approche alimentaire suscite autant, voire plus de disputes qu’une alimentation religieuse spécifique ou végétarienne. On ne peut que respecter les croyances ou les convictions de l’autre. Alors qu’amener quelqu’un à manger un peu plus comme soi-même… C’est tentant, non ?
Sauf que ce n’est pas anecdotique du tout de vouloir changer les habitudes alimentaires de quelqu’un, surtout quand quand elles sont ancrées dans un background familial, culturel et/ou ethnique. Tout comme finalement une personne vegan ou croyante, une notion d’identité rentre en jeu. Imaginez par exemple une nana d’origine philippine, pour qui la bouffe est synonyme d’abondance et de joyeux rassemblements familiaux VS. un Néerlandais qui a grandi en ayant l’habitude de manger un austère sandwich au fromage à midi. Ca vous parait cliché ? Bah, c’est exactement l’un des témoignages de cet article.
Ca devient aussi problématique quand ça déborde sur des notions de hiérarchies culturelles, voire du quasi-racisme, même involontaire, dans le cas de couples mixtes. Je vous avoue que j’étais un peu atterrée en lisant certains témoignages retranscrits dans cet article paru sur Anthropology of Food de la chercheuse Fong-Ming Yang, qui se penche sur le cas de couples franco-taiwanais. Ca m’a rappelée la réaction d’étudiant(e)s occidentaux lorsque j’étais en échange universitaire à Singapour, dégoûté(e)s de “cette viande trop grasse” au petit matin, alors qu’ils ne trouvaient rien à redire à l’English breakfast sans y voir la contradiction… (Notez que les préjugés allaient dans les deux sens, puisque beaucoup de mes camarades asiatiques de l’époque assimilaient par méconnaissance la “cuisine occidentale” à un gros bloc indissociable fait de… Viande panée et de frites).
***
Je me suis finalement pas mal retrouvée dans ces témoignages.
Et je me demande jusqu’où j’aurais pu pousser ma tolérance culinaire.
Je pense que j’aurais pu vivre sans problème avec une personne végétarienne ou l’épouse musulmane d’un de nos potes, en réduisant très largement ma consommation de viande à la maison. Mais est-ce que ma moitié aurait pu supporter que je ramène des kilos de préparations charcutières pendant ma préparation du CAP ? Là, je n’oserais m’avancer à leur place 😅 Par contre, je sais que je serais devenue dingue avec l’un de mes amis qui, dans la vie de tous les jours, s’en fout de la bouffe et peut survivre avec des barquettes Picard H24 sans problème.
Avec mon compagnon, nous avons aussi quelques points de différence : il ne mange ni poisson, ni fruits de mer ; et moi, même si dix ans de vie commune ont entraîné mes papilles, je continue à me plaindre régulièrement que ses plats “piquent trop”. Mais tout ça n’est pas bien grave. Notre seule vraie différence - au-delà du fait qu’il vomit encore et toujours Ottolenghi 😅 réside dans le fait que j’aime, et plus précisément, j’ai besoin de manger régulièrement des plats classiques du quotidien français : des soupes de légumes verts et des salades notamment, qu’il trouve évidemment trop fadasses 🤷
***
Alors que font les couples pour surmonter leurs différences ?
Voici ce que nous raconte Internet :
Le bon sens, déjà : se concentrer sur les préférences communes plutôt que les différences, et cuisiner des plats qui apportent du plaisir autant à l’un(e) qu’à l’autre. Ce qu’une autrice a appelé le “Happy medium”.
Rester ouvert(e) et curieux(se), goûter… Et évidemment, la 1ère règle d’or du couple : communiquer, et ne ne pas hésiter par exemple à dire non quand, un soir, on n’a vraiment pas envie de manger quelque chose.
Se mettre d’accord à la maison sur la cuisine qui est le dénominateur commun. Exemple : j’ai lu plusieurs témoignages de couple végétarien+carnivore où, naturellement, les repas étaient plutôt végétariens à la maison, tout en ayant toujours dans le frigo ou le placard une “réserve” de produits qu’on est le/la seul(e) à manger. Autre variante intéressante : les repas “à composer soi-même” où chacun met les éléments qu’il veut dans son assiette. Pensez tacos, les assiettes façon mezze, les bols, etc.
Cuisiner ensemble de temps à autre pour favoriser la cuisine comme terrain d’entente… Tout en gardant, sans culpabilité, des repas uniquement pour soi.
J’ai aussi lu des témoignages de couples qui faisaient des meal plans assez précis. Genre 2 jours, on mange la cuisine que préfère l’un, 2 jours la cuisine que préfère l’autre, et les 3 jours restants sont free-style. Ca n’a pas l’air facile à tenir quand même…
Et enfin, le plus important peut-être : ne pas forcer l’autre à changer et à adopter votre régime alimentaire, et faire des compromis sur les sujets qui ne sont pas si fondamentaux que ça.
Je rajouterais un élément : la créativité. Mon compagnon sait désormais que je peux plus facilement avaler du dhal en l’accompagnant de rasam et de chips - oui, c’est comme amener un gamin à bouffer des épinards en les enrobant de crème et de fromage râpé… Que voulez-vous 😅 Et moi j’essaie de trouver toujours de nouvelles idées de salades et de soupes - sans surprise, une vinaigrette moutarde-miel ou une sauce salade au curry et yaourt grec passent mieux que ma traditionnelle (et très acide, j’avoue) condiment blanc-huile d’olive !
En un mot, on essaie de cultiver la nouveauté, de nous renouveler, tout en faisant attention à ce que ça ne devienne pas une charge mentale - nous sommes évidemment largement avantagés par le fait que la cuisine reste pour nous plus un moment détente qu’une corvée. Et certains soirs de la semaine, on balancera toujours des pâtes dans la casserole sans réfléchir.
***
Et le côté positif, sinon ?
On a beaucoup parlé de la bouffe comme source de discorde conjugale, mais je vous rassure, il existe des couples parfaitement heureux en cuisine 😊 On va donc terminer sur une note joyeuse, avec cet article de Clare Finney : “Is cooking food for someone your love language?”.
Comme le raconte la journaliste britannique, la “cuisine romantique” ne se résume pas aux clichés de fraises et de chocolat que les films et les médias nous servent à longueur de journée. Le bonheur conjugal en cuisine se situe plutôt dans les petites attentions et connaître l’autre sur le bout des ongles :
[…] the real romance of food lies less in the grand gestures and more in the little things: knowing which treat will cheer your partner up after a bad day, your favourite local restaurant at which you both have your go-to order and the micro-rituals you develop with time, like Friday night takeaways or making that first cup of tea in the morning. (source)
Ce témoignage en début d’article m’a beaucoup touchée :
“There aren’t many people in your life whose food you could taste and know that they made it – but I would always be able to tell Sarit’s food,” declares Itamar Srulovich. After 20 years of marriage and 10 years of running their beloved restaurant group Honey and Co, Itamar can see his wife’s signature in any salad, soup or pastry. “I would know it from the way it looks, the personality, the sheer Sarit-ness of it,” he continues, his eyes shining. “She is a huge talent, so to have her cooking at home, just for us, is pure joy.” (source)
***
Lorsqu’on met de côté la salade d’herbes d’Ottolenghi - la nemesis de mon mec 😅 et l’odeur (infâme pour moi) des piments séchés indiens revenus dans l’huile, mon compagnon et moi nous nous retrouvons sur beaucoup de valeurs. En premier lieu, nous reconnaissons la valeur du travail en cuisine et sommes reconnaissants envers l’autre à chaque fois qu’il se charge de mettre un plat sur la table. Nous sommes aussi heureux de découvrir et de faire nôtre la culture culinaire de l’autre.
Et surtout, nous partageons cette joie à la fois intense et douce de nourrir les gens que nous aimons, dont l’autre.
Plus jeune, mon conjoint rêvait de trouver une femme avec qui jouer aux échecs ou discuter mathématiques… Et parfois, je contemple ma bibliothèque remplie de romans accumulés pendant ma période libraire, et me demande s’ils seront lus un jour par quelqu’un d’autre que moi.
Mais nous avons au moins un langage commun : la cuisine. Comme le cuisinier de l’article, je reconnaîtrais entre mille l’omelette de mon compagnon : elle est différente de celle de sa mère, de celles de tous les restos et hôtels indiens où j’ai pris mon petit-déjeuner, et c’est toujours la sienne dont j’ai envie. Ou lorsque je fais enfin une pause dans mes tests de livres et que je vois sa joie à l’idée de manger mes lasagnes qu’il adore pour je ne sais quelle raison… Le plat passe presque au second plan. On retient surtout l’acte d’amour qu’on donne ou qu’on reçoit. Ou comme le dit si joliment le cuisinier, lorsqu’on sert à manger à l’autre exactement ce dont il/elle avait besoin :
“Those are the moments when the heart expands.”
Et vous ?
Votre et votre compagnon ou compagne, aimez-vous manger et cuisiner la même chose ? Et si non, comment faites-vous au quotidien ? Je serais curieuse de lire vos témoignages et conseils !
J’espère que ce nouveau format vous aura plu ! Je vous dis à la prochaine (dans deux semaines pour les abonné(e)s payants, et en décembre pour tout le monde). Et bien entendu, amusez-vous bien en cuisine :)
Des Pages en Cuisine est une publication soutenue par les lecteurs. Pour recevoir de nouveaux Posts et soutenir mon travail, envisagez de devenir un abonné gratuit ou payant.
Des Pages en Cuisine est une publication soutenue par les lecteurs. Pour recevoir de nouveaux Posts et soutenir mon travail, envisagez de devenir un abonné gratuit ou payant.
Des Pages en Cuisine est une publication soutenue par les lecteurs. Pour recevoir de nouveaux Posts et soutenir mon travail, envisagez de devenir un abonné gratuit ou payant.
C’est marrant que la question suscite autant de débat. Ça prouve l’importance de la bouffe. Je viens d’ailleurs de lire « dès que sa bouche fut pleine » de Juliette Oury, un roman d’inversion où le sexe est tout à fait banal dans la société (4 fois par jour minimum en variant les plaisirs, pour la santé) et l’alimentation est réservée aux gens qui s’aiment, subversive, secrète... c’est très amusant et ca fait réfléchir en creux à la place de la nourriture (et du sexe) dans la société. Intéressant pour prolonger ce sujet (et si on lit ta news en pensant à l’inversion elle est aussi très drôle 😅)
Comme d'hab', je réponds mille ans après alors que j'avais adoré ton commentaire 😭😅 Merci pour ta reco supplémentaire, c'est vraiment cool ! J'ai pas mal vu ce livre tourner sur les réseaux, c'est bien d'avoir ton avis dessus. Surtout si ça parle de bouffe d'un point de vue plaisir en couple et non pas la majeure partie de ce que j'ai raconté dans la news haha !
Attention, dans le roman la relation reste très compliquée, pour le couple et pour la femme envers la nourriture. C'est aussi ce qui fait le sel (expression jamais aussi à propos) de l'inversion. Tu me diras si tu le lis ;-)
C’est marrant que la question suscite autant de débat. Ça prouve l’importance de la bouffe. Je viens d’ailleurs de lire « dès que sa bouche fut pleine » de Juliette Oury, un roman d’inversion où le sexe est tout à fait banal dans la société (4 fois par jour minimum en variant les plaisirs, pour la santé) et l’alimentation est réservée aux gens qui s’aiment, subversive, secrète... c’est très amusant et ca fait réfléchir en creux à la place de la nourriture (et du sexe) dans la société. Intéressant pour prolonger ce sujet (et si on lit ta news en pensant à l’inversion elle est aussi très drôle 😅)
Comme d'hab', je réponds mille ans après alors que j'avais adoré ton commentaire 😭😅 Merci pour ta reco supplémentaire, c'est vraiment cool ! J'ai pas mal vu ce livre tourner sur les réseaux, c'est bien d'avoir ton avis dessus. Surtout si ça parle de bouffe d'un point de vue plaisir en couple et non pas la majeure partie de ce que j'ai raconté dans la news haha !
Attention, dans le roman la relation reste très compliquée, pour le couple et pour la femme envers la nourriture. C'est aussi ce qui fait le sel (expression jamais aussi à propos) de l'inversion. Tu me diras si tu le lis ;-)