A propos d'Alison Roman - Partie 2 : mon avis sur Nothing Fancy
Ou A l'improviste dans sa (future) version française
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Cette newsletter fait suite à une première partie publiée ici.
~ Temps de lecture : 14 min.
*Au moment où j’actualise cette newsletter (dimanche 10 septembre), la publication du livre qui avait été annoncée le 6 septembre est repoussée sur Amazon au 2 janvier… 🤷♀️ Bon bah voilà 😅 Je n’ai pas plus d’infos, mais j’espère que le livre sortira bien à un moment donné !
Bonjour à tous et à toutes !
Ravie de vous retrouver pour la seconde partie de cette newsletter consacrée à Alison Roman à l’occasion de la publication d’A l’improviste, son livre qui “vous montre que l’on peut recevoir chez soi de façon simple, avec des recettes époustouflantes” (dixit la 4e de couv’). Alors, est-ce vraiment le cas ? C’est ce qu’on va voir tout de suite !
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NB. Notez que mon avis est basé sur la version originale en anglais.
Mon avis sur Nothing Fancy
Commençons par le principal : le livre tient complètement sa promesse. Il est effectivement parfait pour inviter des gens à la maison.
Déjà, la structure du livre est claire et efficace : elle suit le déroulé classique d’un dîner. On commence par des Snacks, suivis des Salads, Sides et Mains. Et on termine par un chapitre After Dinner, très alison-romanien dans l’esprit comme il comprend certes des recettes de desserts, mais aussi des suggestions pour échapper aux dits-desserts (exemple : servir un digestif et n’en avoir littéralement rien à foutre).
Quant aux recettes ? Elles sont dans leur majorité vraiment simples de chez simple : peu d’étapes, peu de travail effectif et peu de gestes qui requièrent de l’attention. Vous pourrez les cuisiner sans problème tout en discutant avec ces invités qui auront eu l’audace d’arriver en avance 😅
Le résultat : des plats qui ont du goût tout en étant parfaitement photogéniques. Comme je l’ai dit la semaine dernière, le retour sur investissement de ces recettes est phénoménal.
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Je pense que Nothing Fancy aura été l’un des tests de recettes les plus relaxants que j’ai vécus pour la newsletter. Je me souviens m’être tranquillement mise en cuisine vers 11h, et à 12h45, donc moins de deux heures après avoir commencé, voilà ce que j’avais obtenu :
TOUT CA ! Sans aucune pression ! Et je ne vous raconte pas le plaisir d’avoir eu quasi zéro vaisselle de prép’.
Et niveau saveurs ?
Alors, que ça soit sur les recettes que j’ai testées ou mon impression général du livre, c’est bon, et parfois très bon. En tout cas, si je servais la majorité des plats du livre à des ami(e)s, je suis sûre qu’ils seraient non seulement très contents, mais en plus admiratifs. Là est le talent d’Alison Roman : les plats donnent l’impression qu’il y a de la recherche, de l’originalité et du travail, mais en fait, ce sont juste des associations judicieuses de quelques ingrédients aux saveurs très marquées.
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Donc voilà, sachez que j’ai aimé cuisiner et manger les recettes que j’ai testées.
Là où ça se complique, c’est que le livre ne vit pas dans un vacuum où il est tout seul à exister. Et si la parution de la version originale en 2019, juste avant les premiers confinements, était arrivée à point nommé, je trouve que c’est un peu plus compliqué pour sa traduction française 4 ans après.
C’est pourquoi si vous me demandez si je vous conseille le livre, je vous donnerais la réponse qui tue : ça dépend.
Oui
C’est un grand oui, notamment si vous êtes novice en cuisine. Si j’en reviens à mon article sur les livres que je conseille aux débutant(e)s, le livre d’Alison Roman a plusieurs points forts. Déjà, il a le mérite d’être à la fois plus personnel et plus homogène. Contrairement aux autres livres qui, généralement, sont des fourre-tout qui mêlent classiques et plats à la mode, Nothing Fancy a un style culinaire très clair, à la limite du répétitif-obsessionnel, qui se décline tout le long de l’ouvrage. Donc ça permettrait à des débutant(e)s de s’approprier et d’explorer en profondeur un style de cuisine, ce que je trouve intéressant lorsqu’on apprend.
Après, c’est à double tranchant. Vous vous souvenez de l’exemple que j’avais pris dans la newsletter consacrée à la critique de livres de cuisine, où un lecteur s’était plaint du livre d’Andy Baraghani pour son focus sur le citron et les anchois ? C’est la même chose pour Nothing Fancy : le livre est très axé salé /acide /légèrement piquant, ou pour reprendre les termes du New Yorker : “high-acid, crunchy, creamy, herby, briny, chili-flaky food with salty takes”. Bref, y’a un peu partout du vinaigre, des câpres, des chili flakes, et, vous l’aurez deviné, du citron et des anchois. Surtout des anchois.
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Un autre point fort du livre d’Alison Roman pour les débutant(e)s, qui est très lié à sa personnalité, est le fait qu’elle dédramatise beaucoup, tout en restant curieusement très à cheval sur d’autres sujets. Exemple : elle déteste les poivrons, les avocats et les ustensiles mono-tâches, et le fait clairement savoir. Mais on peut parfois substituer à fond des ingrédients, de manière assez absurde, comme lorsque par exemple, elle propose du yuzu kosho OU du sambal (?!!) dans une recette. En gros, il faut l’écouter et ne pas l’écouter. Ca peut paraître contradictoire, et ça l’est. Mais comme l’est la cuisine, et quelque part, j’aime bien qu’elle l’assume.
J’ai quand même quelques réserves. Déjà, il n’y a pas de temps de préparation indiqué - c’est sérieux, pour un livre de cuisine facile ? Et je trouve certaines recettes un peu déséquilibrées en termes de matière grasse ou d’assaisonnement - cf. mon test plus bas.
Après, l’avantage avec une autrice aussi populaire qu’Alison Roman, c’est que ses recettes ont été énormément testées. Il existe même des blogs qui se sont inspirés de Julie & Julia et ont donc cherché à faire toutes les recettes du bouquin. Toutes ! Par exemple, cette personne a réussi à faire plus de 100 recettes de Nothing Fancy ! Il semblerait que les recettes aient été appréciées, donc c’est rassurant.
Peut-être
Par contre. Si vous possédez déjà pas mal de livres de ce type de cuisine contemporaine, je ne sais pas s’il faut absolument rajouter celui-ci à votre bibliothèque.
J’ai carrément cherché sur Google “Alison Roman’s style of cooking” pour voir s’il n’y avait pas de vrais qualificatifs. Cuisine dans l’air du temps ? Cuisine que j’ai l’impression de voir partout sur Instagram et dans les néo-bistrots ? Cuisine post-Ottolenghi et post-Melissa Clark ? Cuisine semi-fusion global pantry ?
dans a évoqué ce phénomène dans une très bonne newsletter : l’omniprésence des livres de cuisine qu’elle qualifie de “Home Bistro” et où les mêmes recettes - et je rajouterais le même profil de saveurs - se répètent à l’infini (l’allusion citron-anchois plus haut n’était que la pointe de l’iceberg).Je vous donne quelques exemples tirés de Nothing Fancy :
Harissa-braised flat beans with herbs - p 131
Citrus chicken rested in herbs - p 214
Sticky roasted carrots with citrus and tahini - p 132
Long-roasted eggplant with garlic, labne and tiny chilli croutons - p 159
Vous voyez où je veux en venir ? D’accord, tout ça, c’est bon, mais là on est en 2023, et j’ai l’impression d’avoir vu ce type de profil de saveurs et ce type de recettes MILLE FOIS au point que c’en est presque de la cuisine passe-partout. Et heureusement que j’ai testé le livre, et que j’ai bien aimé mon expérience de cuisine, parce que ma première réaction lorsque je l’ai feuilleté la première fois, c’était : “meh, déjà vu”. Et la déception peut être d’autant plus grande que l’autrice utilise avec toute la confiance du monde un paquet de superlatifs pour décrire ses recettes.
Au final, est-ce que je regrette d’avoir acheté le livre ? Non, je n’irai pas jusque là. Même si grosso modo un tiers des recettes salées et les desserts ne me font pas envie - et c’est très personnel, il reste pas mal de recettes que je trouve intéressantes et qui seront pratiques pour une cuisine du quotidien sans stress.
Je pense notamment à son chapitre des “Mains”. C’est peut-être d’ailleurs un des éléments qui démarque Nothing Fancy de la tendance des livres de cuisine en France : le livre a un gros accent viande - viande rouge inclue, et poissons/fruits de mer. Vous connaissez ma position : je fais en sorte de manger le moins de viande possible - et merci les végétariens de sauver la planète et notre intégrité morale pendant ce temps-là. Mais si je me situe d’un point de vue purement cuisine, je trouve la présence de ces recettes à base de ribs ou de brisket intéressante. C’est peut-être caricatural, mais j’ai l’impression que dans l’édition culinaire française, on est divisé entre de la pure cuisine tradi ou gastro très axée viande, et de la cuisine du quotidien majoritairement tournée légumes. Nothing Fancy est entre les deux, et ça a le mérite d’être différent.
Alors, oui, je ne me suis pas tombée d’extase devant les recettes de ce livre. Mais je n’ai pas non plus l’impression d’avoir été flouée. Je l’utilise encore après avoir écrit cette chronique. Et si un jour des copains veulent bien se coltiner la ligne 7 pour venir à la maison, je leur servirai certainement certains plats d’Alison Roman.
Et c’est peut-être tout ce que le livre se proposait de faire.
Esthétique millenials et storytelling
Avant de passer au test des recettes, j’aimerais revenir sur quelques aspects que je n’ai pas encore mentionnés, notamment l’esthétique et le storytelling du livre.
Là, je vous conseille vivement d’écouter l’épisode du Cookbook Club consacré à Nothing Fancy. J’ai trouvé ça drôle d’être diamétralement opposée à l’avis de Renee et Sara sur ces deux points précis 😅
Elles n’ont pas aimé les photos du livre. Au contraire, j’ai été conquise par ces photos un peu bordéliques, aux couleurs qui pètent et avec des gros plans texturés. Esthétique purement millenials, c’est vrai. Mais ça tranche avec le style épuré omniprésent dans l’édition culinaire.
Quant au storytelling ? Ce qui est drôle, c’est que l’une des chroniqueuses a trouvé l’écriture d’Alison Roman immature, comme une petite sœur de 20 ans un peu chiante sur les bords… Sauf qu’elle avait plus de 30 ans quand elle l’a écrit !
Sur certains passages, je suis d’accord avec les deux chroniqueuses. Son côté “strong opinion” sur tout ou rien contribue autant à son charme qu’à un côté agaçant. Et c’est vrai que dans l’écriture, il y a une forte vibe millenials, mais pas forcément dans le bon sens. Même si j’ai du plaisir à être abonnée à son Substack, je n’arrive pas à la lire complètement au premier degré comme je le fais pour d’autres auteur(ice)s culinaires.
Mais malgré tout, Alison Roman a indéniablement du talent. Elle a de l’humour, des phrases bien tournées, du rythme, bref un truc à elle. Et il faut reconnaître que c’est bien fichu. Je ne sais pas à quoi ressemblera la traduction française, mais je me dis qu’au moins, pour le/la traducteur(ice), ce livre aura été un peu plus pétillant à travailler qu’un livre de cuisine lambda.
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Enfin, vous vous souvenez des non-recettes de Dans ma cuisine ? Nothing Fancy en comprend également un certain nombre, donc soyez prévenu(e)s si vous n’aimez pas ce style de recettes. Exemple : Spicy marinated anchovies with potato chips (p 30) ne sont, bel et bien, que des filets d’anchois servis avec des chips sortis de leur sachet..!
Test des recettes
Pot of pasta with broccoli rabe and chorizo breadcrumbs - p 253
Même si tout le monde aime les pâtes, je ne suis pas sûre que je servirai de “bêtes” pâtes au chorizo à des invités. Par contre, en plat du quotidien, simple à faire, nourrissant et réconfortant, qui plaira aux petits comme aux grands, la recette est très bien. Et la chapelure revenue à l’huile est une sympathique idée pour apporter un peu de texture au plat - ça m’a rappelé la recette de côtes de porc de Mi casa es su casa. A noter cependant que j’en ai mis beaucoup moins que ce que le livre demande.
La recette requiert deux ingrédients que je n’ai jamais vus de ma vie : du chorizo frais et du rapini, du brocoli-rave italien. J’ai donc substitué le rapini par des épinards, et le chorizo frais par de la chair à saucisse à laquelle j’ai ajouté des assaisonnements de chorizo espagnol : paprika, pimenton de la vera et origan. (Entre parenthèses, je me suis demandé si le livre ne faisait pas plutôt référence au chorizo mexicain, ouvrage américain oblige. Mais je pense que l’un ou l’autre fonctionne pour la recette.)
Buttered Salmon with red onion and dill - p 247
Je trouve l’intro à la recette franchement exagérée :
Since there’s a lot going-on here flavour-wise, I recommend letting this dish be the loudest thing on the table.
“The loudest thing on the table” ? Oui enfin, du saumon cuit au four, assaisonné avec du citron et de l’aneth, pardon, mais on en trouve aussi sur Marmiton hein. Je me suis évidemment régalée avec le plat, et c’était bien vu de sa part d’insister sur une cuisson à basse température pour éviter que le saumon soit sec. Mais d’un point de vue saveur, ce n’est pas aussi “intense” que ce que l’autrice voudrait nous faire croire.
Au final, le plat reste agréable à manger, et nul doute qu’il aurait fait son petit effet sur une grande tablée. Ca montre que les bons vieux classiques fonctionnent toujours, et qu’il suffit d’une présentation un peu modernisée pour leur redonner tout leur attrait : des oignons rouges bien taillés, de fines rondelles de citron, des câpres, quelques jolis bruns d’aneth… Et voilà, le tour est joué.
Crushed peas with burrata and black olives - p 104
Cette salade se boucle en 5 minutes chrono. Elle est parfaitement instagrammable. C’est frais et léger. C’est végétarien. Et il y a de la burrata. Que demande le peuple ?!
La bonne idée de la recette est la proportion d’herbes : on est quasi sur un ratio 50/50 petits pois / herbes, ce qui donne toute sa fraîcheur au plat. Mais l’assaisonnement pêche un peu : juste du citron, de l’huile d’olive et du sel et poivre, ça manque de relief. Je ne suis pas certaine que les olives noires auraient apporté grand chose. Néanmoins, cette salade serait un bon accompagnement discret de plats plus marqués en saveur.
Roasted radishes with Green goddess butter - 124
Cette version contemporaine du bon vieux radis-beurre a le mérite d’être intrigante. Des radis et leurs fanes rôtis au four ? Pourquoi pas ! Et d’ailleurs, j’ai trouvé la texture quasi craquante des feuilles plutôt sympa.
Quant au fameux green goddess butter, c’est un simple beurre d’herbes avec notamment de l’estragon et… Vous l’avez deviné, des anchois. J’ai fait une version sans anchois pour que mon compagnon puisse aussi être de la partie. C’était bon, mais calmons-nous, ce n’était pas divin non plus…
Donc les deux éléments séparés sont biens, mais ensemble ? Ca se mange, mais c’est un peu fade, et surtout trop gras. Cette recette est celle qui nous a le moins enthousiasmés de toutes celles que j’ai réalisées. L’idée du beurre d’herbes n’est pas à jeter, mais il aurait fallu un ingrédient plus marqué que des radis, comme une entrecôte, par exemple - on en revient aux classiques !
D’ailleurs, sur l’association viande - anchois - matière grasse - herbes, une recette du livre (que vous pouvez retrouver ici) associe côte de boeuf avec anchois, huile d’olive, romarin et persil, et ça pour le coup, je suis sûre que ça fonctionne. Mais le radis, bof.
Crispy vinegared potatoes with chilli paprika - p 163
Voilà une recette que j’ai bien aimée : elle change des pommes de terre au four habituelles en ce que le plat se rapproche des chips salt & vinegar. C’est assez acidulé et bien relevé grâce au paprika et au chili flakes. Et c’est tellement facile à faire !
A noter que j’ai diminué d’environ un tiers la quantité de vinaigre et d’huile d’olive - et même là, les pommes de terre étaient déjà bien enrobées.
Tomatoes dressed in toasted fennel and anchovies - p 112
La recette alison-romanienne par excellence : hyper simple à faire, et bêtement délicieuse. Je n’irai pas jusqu’à pleurer des larmes de joie comme le suggère le texte en intro - encore une fois, calmons-nous !! Mais j’ai beaucoup aimé cette recette, qui tient toutes ses promesses de recette facile qui en jette. Le secret qui n’en est pas un ? La classique salade de tomate est repimpée grâce à de l’huile d’olive aromatisée aux graines de fenouil, anchois (bah oui) et chili flakes. Et j’ai même rajouté des câpres pour être à fond dans la thématique.
Le mot de la fin
Si vous voulez tester des recettes d’Alison Roman avant de craquer pour son livre, elle en a publié énormément sur son site et dans sa newsletter. Limite, acheter le bouquin, c’est vraiment pour les fétichistes du papier et les fans !
Je vous retrouve la semaine prochaine pour quelques news. On a plongé direct dans le vif du sujet, alors que j’avais quelques actus relatives à la newsletter à vous partager. Donc on fait ça mercredi prochain 🙂
D’ici là, amusez-vous bien en cuisine et des bises !
Marjorie
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Oh non, pas de poivrons dans son livre 😞 mais je le feuilleterai quand même ! S'il finit par sortir un jour en France 😜
Merci pour les mots gentils! J'ai aimé lire cet article.